Le psychodrame est une forme particulière de thérapie. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas du théâtre, mais une manière alternative d'aborder ses tourments psychiques avec l'intervention de plusieurs thérapeutes.

Le psychodrame analytique a été développé sous l’impulsion de trois psychanalystes : Evelyne Kestemberg, Serge Lebovici et René Diatkine, qui ont repris le dispositif qu’avait conçu Jacob Levy Moreno. Le principe est le suivant : le patient est reçu par un meneur de jeu, qui est accompagné de trois à six acteurs appelés « cothérapeutes ». Le meneur de jeu reste extérieur à la scène et ne joue pas. Les acteurs peuvent tout jouer, en respectant certaines règles comme celle de ne pas se toucher, ou de ne pas utiliser d’accessoires. Ainsi, tout peut être mis en scène : une idée, une envie, une discussion interne, une scène du quotidien, un rêve, etc.
La séance commence par un échange entre le patient et le meneur de jeu, qui construisent ensemble la scène qui va être jouée. Le patient assigne les rôles, à lui et aux cothérapeutes. Son propre rôle peut être présent dans la scène, et joué par le patient ou par un cothérapeute. Une fois la scène décrite, et les rôles attribués, les participants se rassemblent dans l’espace scénique. Le jeu se met alors en place, chacun intervenant dans l’improvisation selon son ressenti et celui du patient. Le meneur de jeu intervient de manière indirecte dans la scène (par exemple en envoyant un double, en inversant des rôles ou en interrompant la scène). Lors d’une séance, plusieurs jeux peuvent se succéder.
Pour Philippe Jeammet et Evelyne Kestemberg, l’objectif du psychodrame n’est pas le contrôle ou la maîtrise ; au contraire « le psychodrame se donne pour objectif l’ouverture à la libre association, l’assouplissement des frontières entre le conscient et l’inconscient, entre l’actuel et le passé, entre le dedans et le dehors, soit, en quelque sorte, la progressive familiarisation du sujet avec ses productions psychiques et les conflits et les émotions dont elles sont porteuses » (in. KESTEMBERG Evelyne et JEAMMET Philippe, Le psychodrame psychanalytique, Que sais-je ? Paris, Presses Universitaires de France, 1987).
La fonction symbolisante du psychodrame, c’est-à-dire sa figurabilité, permet de créer une marge entre le fantasme et la réalité. Le jeu sert à mettre en scène dans l’espace les conflits psychiques du patient. Le psychodrame permet à certains patients d’accéder à une forme particulière de cure psychanalytique. Didier Anzieu remarque à ce sujet : « L’activité psychodramatique consiste, entre autres, à reconstituer l’aire transitionnelle : en faisant entrer le psychodramatisant dans le jeu et en entrant dans son jeu, les psychodramatistes favorisent chez lui les processus de désidentification, de réidentification, de renarcissisation, à restaurer ses capacités de symbolisation et de créativité, à lui rendre confiance en la vie, et en lui-même » (in. ANZIEU Didier, Le psychodrame analytique chez l’enfant et l’adolescent (1956), Paris, Presses Universitaires de France, 2015, pp. 120)
Dans une thérapie par psychodrame, le transfert est diffracté, c’est-à-dire réparti entre le meneur de jeu et les différents cothérapeutes, et son intensité est davantage diluée, donc moins massive. En effet, de par son organisation particulière, le psychodrame permet la possibilité de transferts latéraux sur les cothérapeutes. Ainsi, certains seront privilégiés, tandis que d’autres ne seront jamais choisis, et cela constitue une information importante pour le meneur de jeu. Gérard Bayle souligne l’intérêt de ces transferts latéraux et ajoute : « C'est très progressivement, sous protection narcissique dans un transfert rendu tolérable par ses latéralisations sur les divers acteurs que [le patient] en vient à ranimer les processus de refoulement. Le jeu des acteurs lui a fourni, petit à petit, des figurations de substitution à celles qu'elle idéalise ou dénie » (in. BAYLE Gérard, Le psychodrame analytique. Figurations et relances des processus psychiques, Paris, Presses Universitaires de France, 2000)
Publié par Mathieu Salsi
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